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Marc Péré : « Les conditions ne sont pas réunies pour un déploiement paisible de la 5G »

Près de 70 élus ont demandé dans une tribune, publiée en septembre dernier, un moratoire sur le déploiement de la 5G. Marc Péré, maire de L’Union (Haute-Garonne), en a été l’un des co-signataires. Il estime que les conditions ne sont pas réunies pour permettre une mise en service paisible de cette cinquième génération de réseau mobile.

La Revue des territoires – En réponse aux craintes suscitées par l’arrivée de la 5G, le président de la République a déclaré : « je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine ». Signer cette demande de moratoire fait-il de vous un Amish ? Êtes-vous un opposant au progrès ?

Marc Péré – Pas du tout puisque, sur le fond, je ne suis pas opposé au déploiement de la 5G. Je suis en revanche signataire de cette demande de moratoire, car je considère que nous allons trop vite. Les conditions ne sont pas réunies pour un déploiement paisible et dans la bonne humeur. Pour ce qui est du progrès, je suis ingénieur, ancien directeur général du pôle de compétitivité Aerospace Valley, et consacre donc ma vie à l’innovation. Je connais bien les caractéristiques techniques de la 5G et notamment le saut quantique que représente le passage de la quatrième à la cinquième génération mobile.

C’est en connaissance de cause que j’ai signé cette demande de moratoire, pour différentes raisons. Je suis confronté aux difficultés que connaissent déjà un certain nombre de communes pour déployer des antennes 4G, avec des mobilisations, des questions, des craintes et des phobies. À partir du moment où un doute s’instaure sur la nocivité des rayonnements 5G, je vois très bien ce qui va arriver : une même difficulté pour installer les antennes. Si le déploiement se fait en force, il ne passera pas.

Autre facteur d’inquiétude : si la 5G est une source d’avancée technologique nette, elle est également un marché à prendre, avec deux milliards d’euros déboursés pour obtenir les autorisations de fréquences. Des dizaines de milliers d’antennes sont à déployer dans le territoire, ce qui coûte beaucoup d’argent. Les opérateurs qui s’engouffrent dans la 5G, et c’est naturel, vont donc chercher à amortir leurs investissements en visant les abonnés là où ils sont. Ce qui m’inquiète surtout, ce sont les zones blanches, ce sont les zones rurales : il nous faut des garanties sur le fait que le territoire soit traité de manière respectueuse où que nous nous trouvions, qu’il s’agisse de Foix ou de la place du Capitole à Toulouse. J’ai des doutes sur ce point et ai donc demandé à ce que cet aspect-là soit clarifié.

La RDT – Les craintes exprimées sont multiples et relèvent de la santé, de l’environnement ou bien encore de la cybersécurité. Êtes-vous, en tant qu’élu, interpellé par les Unionaises et les Unionais sur cette question-là ? Est-ce un sujet d’inquiétude pour vos administrés ?

M. P. – Pas encore, mais j’ai vécu l’inquiétude des compteurs Linky. Des habitants sont venus me voir pour me demander de les interdire, en prenant des arrêtés. Ce qui, à mon avis, n’était pas fondé. J’ai également vécu les mobilisations de citoyens, dans les alentours, contre le déploiement d’antennes 4G. Donc quand je vois tout cela, avant même de parler de 5G, je m’interroge.

Dans le pays, monte une crainte sur les ondes 5G parce qu’elles sont différentes : si la bande de fréquences utilisée sera d’abord semblable à la 4G, autour des trois gigas, il y aura bientôt une nouvelle onde dans les 26 gigas. C’est la première fois qu’une telle fréquence sera déployée d’un point de vue terrestre, puisqu’elle existe déjà depuis les satellites. Cette future fréquence 5G, qui sera installée dans quelques années, risque de soulever des inquiétudes parce que nous n’avons pas de garanties quant à la nocivité de celle-ci. Je fais confiance à la science et à la médecine pour désamorcer cela. Tout ce que je dis, c’est qu’une crainte se trouve devant nous et qu’il est inutile de passer en force. C’est une erreur fondamentale, et cela ne marchera pas.

La RDT – Vous évoquez un enjeu de méthode et la façon dont les citoyens doivent être associés aux débats. S’est ouverte à Strasbourg une conférence citoyenne sur la 5G : est-ce avec ce type d’initiatives que l’on peut recréer un climat de confiance ? Comment peut-on organiser le débat démocratique que vous appelez de vos vœux ?

M. P. – C’est une question de respect du citoyen, d’explications et d’échanges. Un moratoire est absolument nécessaire pour prendre le temps d’expliquer aux gens, d’attendre l’avis de l’Anses qui sera publié d’ici le mois de mars prochain, d’organiser des rencontres citoyennes, de diffuser des émissions d’information et de faire tout un travail de pédagogie et de dialogue en amont du déploiement de la 5G. Si on ne le fait pas, cela va renforcer les craintes et laisser penser qu’il y a un loup.

La RDT – Michel Combot, directeur général de la Fédération française des télécoms, rappelle que la 5G représente un enjeu fort en matière de développement économique. N’avez-vous pas peur que nos territoires prennent du retard s’ils manquent le tournant de la 5G ?

M. P. – Je suis d’accord avec cette affirmation sur le développement économique. Ingénieur de formation, je connais les caractéristiques globales de la 5G en termes de débit et de latence. Je sais à quel point il s’agit d’une révolution technologique. La 5G, ce n’est pas la 4G+1. C’est beaucoup plus que ça. Effectivement, la 5G va apporter un plus dans de nombreux domaines et de nouveaux services seront inventés. Il y a plein d’inventions potentielles dans les secteurs de l’industrie, de la pêche, de l’agriculture, des assurances, etc. Il est également question de pouvoir accéder en temps réel au cloud et à des algorithmes d’intelligence artificielle, dont la réponse sera instantanée. Et justement, si l’on souhaite que tout cela arrive, il faut respecter les citoyens et leurs exigences en matière d’information.

La RDT – Par rapport aux fractures numériques, Michel Sauvade (référent téléphonie mobile de l’Association des maires de France) appelle à un déploiement équilibré du territoire. Une obligation de prévoir 25 % des antennes 5G en zone rurale a été fixée. Cette mesure est-elle suffisante ?

M. P. – Il faudrait rentrer dans le détail de ce qu’elle a comme impact. Déjà, nous devons connaître aujourd’hui quels sont les territoires non couverts par la 4G, ceux qui n’ont rien et ceux qui seront exclus de la 5G dans le cadre d’un déploiement sur trois à quatre ans. Il nous faut des engagements précis, des lois et des textes contraignants pour vérifier que le rural ne sera pas le parent pauvre de la 5G, comme cela a été le cas pour la 4G. Dans le contexte de la crise Covid, les gens veulent s’éloigner des centres urbains pour être plus tranquilles et travailler à distance : sans la 5G, des territoires seront exclus de cet engouement. Il faut que les représentants des intérêts des zones rurales nous confirment que nos exigences et demandes ont été prises en compte. Tant que je n’entends pas cela, je trouve que nous déployons la 5G de manière prématurée.

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