Éolien offshore
Énergie

Éolien en mer : de nouveaux projets qui font débat chez les élus

La pollution maritime de grande ampleur constatée, ce lundi 14 juin sur le chantier du parc éolien de la baie de Saint-Brieuc, ravive les critiques quant à l’impact environnemental de tels projets énergétiques. La ministre de la transition écologique Barbara Pompili s’est d’ailleurs empressée de demander des comptes à Iberdrola, le constructeur mis en cause. Les citoyens sont pourtant associés à la conception de ces projets, afin d’en assurer l’acceptabilité et d’en limiter les risques. De façon suffisante ?

Les 100 litres d’huile accidentellement relâchés par le navire de forage Aeolus, causant une nappe de pollution de 16 kilomètres de long au large de Saint-Brieuc, ont de quoi alimenter des contestations déjà nourries à l’égard de la construction du parc éolien. Piloté par Ailes Marines, la filiale française du groupe espagnol Iberdrola, le projet vise l’installation de 62 éoliennes censées subvenir aux besoins énergétiques de 835 000 habitants. Malgré le caractère renouvelable de la ressource, un manque de concertation est décrié par des professionnels de la mer ainsi que par des élus locaux.

« La baie de Saint-Brieuc n’est pas un laboratoire à ciel ouvert où des industriels viendraient tester des outils et polluer l’environnement marin », se fend dans un communiqué Alain Coudray, président du comité des pêches des Côtes-d’Armor. Le comité annonce son intention de porter plainte et demande « d’arrêter le massacre ». Les réactions politiques se sont elles aussi multipliées, sur fond de campagne pour les élections locales. Thierry Burlot, candidat de la majorité présidentielle pour les régionales et président de l’Office français de la biodiversité, estime sur Twitter que « ce chantier devient un naufrage ». Arnaud Lécuyer, président de Dinan Agglomération, juge pour sa part que la situation est « inacceptable ».

Une concertation qui ne fait pas l’unanimité

Pourtant, un comité de gestion et de suivi se tient régulièrement, afin de réunir pêcheurs, Ailes Marines, RTE et plusieurs élus. Mais celui-ci n’est pas public : « l’opinion a le droit de savoir », assène Stéphane de Sallier Dupin, conseiller régional et conseiller municipal de Lamballe-Armor. Non invités à ce comité de suivi, le député des Côtes-d’Armor Marc Le Fur, le maire de Pléneuf-Val-André Pierre-Alexis Blévin et le maire d’Erquy Henri Labbé ont co-signé un communiqué en octobre pour faire connaître leur mécontentement. Dans la foulée, un moratoire sur le projet de parc éolien a été voté par le conseil municipal pléneuvien.

Comment la situation a-t-elle pu parvenir à un tel degré de crispations, alors que l’urgence de la transition énergétique est plus que jamais reconnue ? La Commission nationale du débat public (CNDP) avait été justement saisie en 2013, afin d’animer un dialogue en amont du projet sur son opportunité et ses principales caractéristiques. Ces échanges ont ainsi pris la forme d’un débat public de quatre mois.

Ailes Marines considère auprès de Ouest France avoir « respecté en tout point les processus administratifs très exigeants pour le développement de parcs éoliens en mer en France » : l’intégralité de l’étude d’impact a été communiquée à tous lors de l’enquête publique de 2016, des études complémentaires ont été également réalisées et une remise en état du site est bien prévue à l’issue de la période d’exploitation. Ce qui n’a pas empêché Alain Coudray, en février dernier, d’écrire au président Emmanuel Macron pour demander l’annulation du projet et dénoncer le non-respect des engagements pris en matière de concertation.

D’autres projets à surveiller

Le parc éolien en baie de Saint-Brieuc n’est pas un projet isolé. D’autres initiatives de ce type essaiment en France, ce qui implique une attention maximale pour assurer une juste participation du public en vue de la programmation des travaux. C’est le cas à Dunkerque, dans le cadre d’un projet conduit par RTE et Éolien en Mer de Dunkerque (EMD), un consortium composé de EDF Renouvelables, Innogy SE et Enbridge. Un débat public, cette fois-ci de trois mois, a été mené par la CNDP de septembre à décembre 2020 dans le but de permettre aux Dunkerquois, ainsi qu’aux habitants des communes belges limitrophes, de disposer d’une information complète. Le parc comporterait en l’espèce 46 éoliennes, pour une mise en service prévue à horizon 2027.

Concrètement, le débat s’est décliné sous de multiples formats : des réunions publiques, un groupe témoin citoyen, des ateliers d’acteurs (sous forme de focus groups), des émissions de télévision et de radio, une classe de collégiens impliquée, une plateforme participative, etc. L’intérêt des citoyens a été réel, avec plus d’un millier de participants aux réunions publiques. Cependant, l’utilité du débat a été mise en doute, comme le rapporte son compte rendu. La zone d’implantation du parc éolien a en effet été décidée par l’État préalablement à ces échanges. Depuis, les responsables du projet ont publié une réponse aux arguments avancés lors de cet exercice participatif. Dans un avis relatif à la qualité de ce retour, la CNDP déplore que « le document publié par les maîtres d’ouvrage […] n’apporte globalement pas de réponses précises aux difficultés soulevées pendant le débat public ».

L’île d’Oléron s’apprête à son tour à vivre au rythme de ces controverses. Le projet concerne un parc éolien en mer au large de la Nouvelle-Aquitaine, dont la puissance est évaluée entre 500 et 1 000 mégawatts. Cela correspond au double de la consommation des foyers de la Charente-Maritime. Un débat public, toujours sous l’égide de la CNDP, est annoncé à partir de cet été 2021. Déjà, l’opposition monte au créneau et fustige « le barnum de l’éolien marin ». Le président de la commission particulière en charge de l’organisation du débat public rappelle, en signe d’apaisement, le rôle de la CNDP : ni juge ni contre-pouvoir. « Elle n’est pas au service du projet, ni de sa destruction », explique ainsi Francis Beaucire.

Le rôle clé de la CNDP

La clé de la participation du public dans les décisions qui affectent son environnement est, assurément, entre les mains de la CNDP. Depuis 25 ans, elle défend ce droit au débat dont la demande est croissante. Entre 2016 et 2019, son activité a été multipliée par six. Avec succès, puisque 60 % des projets débattus ont ensuite été modifiés par le maître d’ouvrage. 

Mais ce droit est loin d’être acquis. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) et son décret d’application réduisent le délai dévolu aux citoyens pour exercer leur droit. Ces textes augmentent aussi les seuils à partir desquels les projets ont l’obligation d’être soumis à un débat public. La CNDP évoque ainsi des « risques de régression ». Nul doute que ce danger démocratique est à prendre en compte, au risque de creuser davantage les fractures que peut susciter la perspective de l’éolien en mer. 

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