Alors que le secteur de la restauration collective sort profondément sinistré de la crise Covid avec une chute sans précédent de la fréquentation des cantines, la start-up française Popchef, pionnière dans le secteur de la cantine digitalisée, a annoncé une levée de fonds de 15 millions d’euros après avoir enregistré une croissance de 700% en un an. Pour La Revue des Territoires, son cofondateur, François de Fitte, explique comment il entend réinventer un modèle économique à bout de souffle en le rendant écologiquement plus vertueux, plus flexible, digitalisé et accessible à toutes les organisations et administrations publiques.
La Revue des territoires : La restauration collective dans les collectivités locales et les entreprises ne fait plus vraiment rêver les Français et les géants du secteur enregistrent des pertes importantes depuis la crise de la Covid. Dans un tel contexte, pourquoi avoir fait le choix de s’engager sur ce marché ?
François de Fitte : Après la pandémie, on a beaucoup entendu l’argument “la cantine d‘entreprise est morte”. Pour nous, le secteur n’est pas mort, il est en pleine réinvention.
Le concept de cantine ne mourra jamais pour une raison simple : les salariés au bureau ont besoin de se retrouver, de créer du lien social. La cantine, c’est un peu comme la cuisine ou le salon chez vous : c’est l’espace dans lequel les gens se retrouvent et échangent. C’est un lieu de cohésion. C’est aussi le moyen d’avoir accès à un bon repas pour pas cher. Il fallait donc repenser ce modèle pour le rendre plus accessible.
Et c’est ce qu’on a fait avec Popchef : en créant quelque chose de plus flexible et plus qualitatif, sans retomber dans le piège de l’industrialisation, on a radicalement changé le modèle.
En faisant le choix de marger sur l’abonnement facturé à l’entreprise et non sur la nourriture, on a pu “démassifier” les achats et réduire les prix sans impacter la qualité des plats. Et ça a marché ! Avant de lever 15 millions d’euros, nous avons enregistré une croissance de 700% sur la partie cantine entre avril dernier et avril 2022, un secteur relativement sinistré depuis la pandémie.
La RDT : Vous faites le pari de la digitalisation pour “révolutionner la cantine”. Est-ce suffisant ?
FDF : La digitalisation est effectivement une des promesses de Popchef, mais elle est un moyen et non une fin. La raison pour laquelle le frigo connecté est révolutionnaire est qu’il permet de proposer des plats de très bonne qualité en réduisant les coûts. En digitalisant, on équipe des sites où il n’y avait auparavant pas assez de couverts pour justifier une cuisine sur place. Dès 30 couverts par jour, une petite entreprise, une PME, une collectivité territoriale ou encore une administration publique peuvent s’équiper d’un frigo connecté, autonome et disponible 24/24h. C’est ça la vraie révolution.
La digitalisation crée un modèle vertueux : d’un côté, une structure moins chère pour l’entreprise ou la collectivité, de l’autre, des plats de meilleure qualité pour les collaborateurs et les agents.
Enfin, la proposition de Popchef ne repose pas que sur la digitalisation : la qualité des produits, la promesse RSE … Nous allons beaucoup plus loin.
La RDT : Vous affirmez vouloir “démocratiser les restaurants d’entreprises” alors que nous savons qu’ils sont encore très souvent réservés aux structures dont la taille le leur permet. Comment permettez-vous aux petites structures, notamment aux collectivités et aux administrations locales, de surmonter cette difficulté ?
FDF : Le frigo connecté est une offre beaucoup moins onéreuse parce qu’elle n’entraîne pas de coûts fixes. Un site comme une petite entreprise ou une collectivité peut ainsi s’équiper d’une offre de restauration avec seulement deux mètres carrés d’espace. Peu chère et autonome, la solution couvre 30 couverts par jour sans gros travaux, cuisine sur place ni équipement particulier.
La RDT : L’industrie de la restauration collective est régulièrement pointée du doigt pour son modèle de production de masse et son impact écologique. Comment intégrez-vous cela dans votre modèle économique alors que les entreprises comme les décideurs publics accordent de plus en plus d’importance à leur empreinte carbone ?
FDF : Plutôt que de faire des compromis, nous avons créé un nouveau modèle : la cantine éco-responsable. Notre cahier des charges est strict : sourcing local, produits 100% frais et de saison, volaille 100% origine France, locale ou en direct du producteur, poisson issu de pêche durable et label MSC, … Aujourd’hui, un restaurant Popchef économise 42% de CO2 par rapport à la moyenne du secteur*. Demain, notre grand défi est de viser le zéro déchet, alors que les Français sont de plus en plus sensibles à la question environnementale et exigeants vis-à-vis des décideurs.
La RDT : La restauration d’entreprise est-elle compatible avec le développement des territoires et la valorisation des terroirs sans pour autant devenir inabordable pour les salariés ?
FDF : Le modèle Popchef est unique et se différencie parce qu’il ne s’appuie pas sur une grande cuisine centrale ou sur la massification des achats, mais sur des circuits courts. Partout où nous allons sur le territoire, nous faisons systématiquement appel à des traiteurs locaux. Ce modèle permet de renforcer le maillage local, de mettre en avant les produits du terroir, mais aussi et surtout, de créer de l’emploi durable, partout, et pas seulement en Ile-de-France. À mesure que nous grandirons, nous conserverons cette logique territoriale.