Gaspard Koenig
Vie publique

Gaspard Koenig : “Les maires devraient être plus libres”

Candidat à l’élection présidentielle, Gaspard Koenig propose de donner plus de liberté et d’autonomie aux élus locaux et aux collectivités territoriales. Pour La Revue des Territoires, il détaille ses constats et ses propositions pour simplifier l’exercice du mandat de maire et faciliter la vie des citoyens.

Le constat d’une complexification croissante est ancien. Comment expliquer l’absence de processus de simplification depuis 30 ans, malgré les lois de décentralisation ?

Ce n’est pas faute de constat. Les gouvernants et les acteurs du terrain chargés d’appliquer la norme sont persuadés de l’absurdité de ce qu’ils font. On l’a vu notamment pendant la crise sanitaire, on l’a vu aussi récemment pendant le mouvement de grève des enseignants contre le protocole sanitaire. La conscience du problème est largement partagée, mais l’inertie technocratique est devenue tellement forte que les gouvernements successifs échouent généralement à simplifier.

Cette situation est également due à un manque de confiance dans l’autonomie locale. C’est tout le problème de la décentralisation telle qu’elle est actuellement menée : de plus en plus de compétences ont été déléguées aux collectivités, mais l’exercice de celles-ci est systématiquement cadré par des instructions extrêmement précises, ce qui ajoute à la complexité. Les maires et les élus locaux se retrouvent entre le marteau et l’enclume : ils disposent de plus en plus de responsabilités, mais ont toujours moins de marge de manœuvre pour y faire face.

Comment faciliter l’exercice de leurs mandats pour les maires ?

Le principe que nous proposons au contraire est de laisser chacun, individus, chefs d’entreprises et collectivités, s’organiser sur la base d’une règle simple. En laissant à chaque fois le plus petit échelon décider des compétences dont il veut se charger et celles qu’il ne se sent pas capable d’exercer.

L’enjeu est de faire coïncider la norme aux besoins des élus locaux et non l’inverse. De faire en sorte que les dossiers de subvention s’adaptent, par exemple, aux opérations de réhabilitation des centres-villes lancées par certaines municipalités, sans que celles-ci ne soient obligées de revoir leurs projets pour les faire entrer dans les cases de l’administration.

Le coût des cabinets de conseil sur les finances publiques a récemment fait l’objet d’une commission d’enquête au Sénat et d’un vaste débat dans l’opinion. Est-il pour autant réaliste de s’en passer ?

C’est justement tout l’enjeu d’une vraie réforme de simplification : mettre en place une organisation dans laquelle les cabinets de conseil ne seront plus nécessaires. Tout d’abord, en simplifiant et en divisant par 100 le nombre de normes. En retrouvant ensuite ce grand principe de l’Etat de droit selon lequel ce qui n’est pas interdit est permis et qui permet de lutter contre l’insécurité juridique constante. Enfin, en appliquant le principe de la subsidiarité ascendante : tout ne doit plus être décidé depuis Paris. La décision doit venir du bas, être simple à mettre en œuvre et doit être adaptée à l’extrême différence des situations.

Quelle est la marge d’autonomie que vous souhaitez donner aux communes ?

Les maires devraient être plus libres de choisir comment s’organiser. Celles-ci doivent pouvoir sortir des intercommunalités et se regrouper volontairement avec les communes de leurs choix, selon les critères d’efficacité ou d’identité du territoire qui leur semblent les plus pertinents. Cette même logique devrait pouvoir être applicable aux départements. Si ceux-ci veulent fusionner entre eux, ils devraient pouvoir reprendre leur cohérence naturelle ou historique. L’Etat central n’a pas à intervenir dans ce processus.

Les communes devraient aussi pouvoir reprendre et assumer les compétences dont elles se sentent capables, comme la gestion de l’eau. Dans certains cas, par exemple dans les communes de montagne comme en Corse ou en Savoie, la gestion de l’eau pourrait être administrée en régie par les communes sans passer par des entreprises privées à l’échelle de l’intercommunalité. De manière générale, tous les services publics situés “à distance de bus” devraient pouvoir être récupérés par le plus petit échelon s’il le souhaite. Enfin, je plaide pour plus de démocratie directe, via le recours au référendum local. Celui-ci doit être facilité et élargi pour impliquer davantage les citoyens dans la décision publique.

La simplification et la décentralisation peuvent-elles permettre de revitaliser certains territoires ?

Les propositions faites durant la primaire des Républicains par Philippe Juvin [NDLR : reprises par Valérie Pécresse] d’affecter pendant un an de jeunes médecins dans des déserts médicaux sont un bon exemple de ce que l’Etat central peut faire pour revitaliser certains territoires. Pour le reste, les collectivités devraient avoir davantage de liberté d’un point de vue fiscal pour se rendre plus attractives. En Suisse, des cantons de montagne isolés et en déshérence ont pu attirer des entreprises et des particuliers en baissant leur fiscalité.

Comment concilier une plus grande autonomie de certains territoires comme la Corse par exemple avec la préservation de l’unité nationale ?

Une France plus diverse n’est pas nécessairement une menace pour l’unité nationale. Les Alsaciens disposent aujourd’hui de leurs propres textes sur la laïcité sans que cela ne choque personne. Sur des sujets comme les successions et la sécurité sociale, les modèles doivent pouvoir varier tant que cela ne pose pas de problème au niveau national. Chaque territoire devrait pouvoir choisir lui-même le modèle qui lui convient le mieux. Je suis donc favorable à une autonomie de plein droit pour la Corse, où j’ai effectué mon premier déplacement de campagne. J’y ai rencontré le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni et d’autres élus locaux pour échanger avec eux sur leur projet de mettre en place un revenu universel sur l’île. Je crois que ce type d’initiatives est positif et devrait être encouragé.

Comment rapprocher les citoyens de l’administration ?

L’Etat est schizophrène en quelque sorte. D’une part, il contraint de plus en plus les citoyens et les collectivités dans un étau de normes de plus en plus complexes. De l’autre, les services publics disparaissent du territoire et la désertification gagne du terrain. Face à cela, mon but n’est pas de réduire la fonction publique mais de remettre les agents sur le terrain, à travers la mise en place de maisons du citoyen partout sur le territoire. Concrètement, ces structures s’apparenteront à des maisons France Service, à l’exception près que les fonctionnaires de base auront une capacité de décision. Ceux-ci auront accès à l’ensemble de la chaîne de décision de l’Etat et émettront des décisions qui vaudront rescrits administratifs. L’enjeu de cette proposition, c’est de remettre l’administration dans un rôle de conseil.

La question de la simplification vous paraît-elle assez représentée dans cette campagne ?

La simplification n’est pas assez présente dans les débats, c’est le sens même de ma candidature à l’élection présidentielle. En général, la simplification est un thème second que l’on n’aborde qu’une fois qu’on a traité tous les autres sujets. La singularité de ma candidature, c’est que je crois que la simplification est le thème matriciel dont dépendent tous les autres sujets. C’est pourquoi je veux aller jusqu’au bout de cette élection pour que celui-ci reçoive l’intérêt qu’il mérite.

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