Jean-Baptiste Hamonic
Crédit : C. Lauté
Idées et innovationsMobilité

Des trottinettes électriques à Saint-Quentin-en-Yvelines, une première en zone périurbaine

Démarche inédite en France pour un territoire périurbain : la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines met à disposition de ses habitants, depuis mai, un millier de trottinettes électriques réparties sur 300 stations. Jean-Baptiste Hamonic, maire de Villepreux et vice-président de l’agglomération délégué aux transports et aux mobilités durables, précise pour La Revue des territoires les ambitions de l’intercommunalité en matière de déplacement et d’innovation.

La Revue des territoires – Pourquoi avoir souhaité déployer un service de trottinettes électriques ? En quoi est-ce une innovation importante dans le paysage français des mobilités ?

Jean-Baptiste Hamonic – Nous sommes partis d’un constat très simple : 65 % des déplacements en Île-de-France font moins de trois kilomètres. Cela nous a amenés à nous interroger sur la façon dont nous pouvions encourager un report modal de la part automobile au profit de mobilités douces et actives. En parallèle, nous nous intéressons à des restructurations de nos pôles gares. En effet, nous avons sept gares et 90 lignes de bus : notre objectif est d’encourager les mobilités douces.

Nous avons identifié de nouveaux besoins de déplacement sur des trajets très courts. Cela correspond globalement aux premier et dernier kilomètres, qui permettent de faire la liaison avec le train ou le bus, souvent dans le cadre d’itinéraires domicile-travail. Dans ce contexte, nous avons souhaité développer une mobilité qui vienne constituer une alternative à la voiture. Je parle bien d’alternative et non de solution contre la voiture. Nous aimons parler de bouquet de services : l’idée est d’offrir une palette d’options aussi étoffée que possible.

Nous avons donc porté ce projet de trottinettes électriques, d’autant plus que nous sommes en train de revoir notre schéma directeur cyclable pour doubler, au moins, la part des déplacements effectués en vélo. Les investissements consentis en faveur du vélo, notamment sur les itinéraires et les équipements cyclables, vont pouvoir bénéficier à une mobilité comme la trottinette. Aujourd’hui, nous sommes loin du fonctionnement anarchique qu’a pu connaître ce mode de transport à ses débuts. La loi d’orientation des mobilités (LOM) est venue réguler le cadre d’ensemble.

L’opérateur Tier Mobility nous a convaincus, après que nous ayons initié un appel à candidatures. Cet acteur économique, implanté dans de grandes métropoles françaises et européennes, a exprimé son souhait d’expérimenter son service sur un territoire périurbain comme le nôtre. Le but est aussi de confirmer que ce type de mobilité n’est pas uniquement utile dans les grandes métropoles. La nouveauté pour nous est que nous déployons le service de trottinettes à l’échelle de nos douze communes. Notre nouveau schéma directeur cyclable englobera lui aussi les douze villes, contrairement au schéma actuel qui date de 2009 et ne couvre que les plus anciennes d’entre elles [NDLR : l’agglomération a connu un élargissement il y a cinq ans]. Nous visons un maillage territorial large et performant.

La RDT – Quels sont les premiers retours de vos concitoyens ? S’agit-il d’une solution peu coûteuse et sans risques ?

J.-B. H. – Nous retenons un chiffre : sur les dix premiers jours de lancement, six mille trajets ont été réalisés en trottinettes. Le parcours moyen est quant à lui de cinq kilomètres. Cela signifie que nous avons atteint notre cœur de cible, à savoir les actifs souhaitant rejoindre les commodités stratégiques. Pour les communes peu dotées en solutions de mobilités, la trottinette permet d’effectuer de courts déplacements afin de se rendre en centre-ville et faire ses courses, par exemple. C’est un lancement encourageant.

Le coût est faible, puisque ce service représente moins de cent mille euros pour le budget de la collectivité. Cette somme correspond au marquage des stations et au logotage des trottinettes. C’est tout ce que nous prenons en charge. Ensuite, il y a 1,5 million d’euros d’investissements portés par l’opérateur privé. L’expérimentation est de douze mois, renouvelables. Il n’y a pas de risque financier pour l’agglomération.

D’un point de vue opérationnel, seuls deux engins ont été perdus depuis le lancement. De même, nous ne déplorons qu’une poignée de dégradations. La sécurité est renforcée, puisque les trottinettes sont bridées à 20 km/h. Elles sont équipées d’un casque, même s’il n’est pas rendu obligatoire par la loi. Une application mobile permet de les débloquer, via différents forfaits ou en payant par trajet unique. Ces trottinettes sont en libre-service, accessibles depuis des stations marquées au sol. Les usagers sont automatiquement assurés en responsabilité civile, grâce à un partenariat avec Axa. L’assurance est comprise avec le service. Enfin, nous souhaitons à l’avenir que ces engins ne puissent pas être débloqués par des mineurs, bien que la loi ne s’y oppose pas.

J’ajouterais qu’un système est prévu par l’opérateur pour que les trottinettes reviennent bien, en fin de trajet, sur une station prévue à cet effet. Puisqu’elles sont équipées d’une puce GPS, l’opérateur est en capacité d’intervenir dans les quatre heures, en cas de stationnement gênant, et dans l’heure s’il s’agit d’une situation dangereuse. Quatre équipes veillent ainsi sur le territoire de l’agglomération, en plus de procéder à des rééquilibrages lorsque les stations sont inégalement pourvues.

La RDT – Avez-vous été confronté à un problème d’acceptabilité de ces trottinettes par une partie de la population ?

J.-B. H. – Un enjeu d’acceptabilité se pose en effet, notamment pour les plus âgés et pour les autres utilisateurs de la route. Mais il est important de porter politiquement l’usage des nouvelles mobilités, plus propres, et d’expliquer que l’espace public doit être partagé en matière de transport. La voiture n’est pas seule en ville : il y a aussi les piétons, les cyclistes et maintenant les trottinettes. Dans une commune comme Villepreux, où la vitesse est partout limitée à 30 km/h, ce mode de transport fait sens parce que les habitants sont habitués à être vigilants par rapport à leur conduite. Dans les axes prioritaires vélos, l’automobiliste doit accepter de ne pas pouvoir doubler un cycliste, ce qui est parfois difficile à appréhender.

Pour ces raisons, nous misons sur la formation. Un village mobilité se tient en juin sur notre territoire. L’opérateur Tier organise également des réunions de sensibilisation aux bonnes pratiques de la trottinette. Et un lien étroit unit l’opérateur et la police municipale, puisque des sanctions s’appliqueront une fois que le service sera bien lancé. L’incivisme de certains ne doit pas pénaliser celles et ceux qui utilisent correctement les trottinettes.

Cela étant dit, un changement de comportements est clairement à l’œuvre. Villepreux est, en plus, une commune au caractère assez rural, où 65 % de la superficie est occupée par des terres naturelles, agricoles ou boisées. Nous avons, de fait, une identité forte et prononcée sur la préservation de l’environnement. Je sens une vraie adhésion aux mobilités durables. Lorsque la région Île-de-France a lancé son deuxième budget participatif et écologique, Villepreux a candidaté au titre de notre plan vélo : nous avons terminé 23ème sur plus de 700 projets concurrents, alors que notre commune est loin d’être la plus peuplée de la région.

Je sens qu’on y vient, même si nous n’avons pas encore tous les équipements adaptés. Les mentalités sont prêtes, une vraie demande existe localement, mais la pierre angulaire des mobilités durables reste la sécurité. Il faut que l’utilisateur de vélo ou de trottinette se sente en sécurité dans un espace partagé. C’est toute la responsabilité des pouvoirs publics et des élus.

La RDT – Au-delà des trottinettes électriques, inscrivez-vous dans une logique plus large d’innovation pour le territoire de votre communauté d’agglomération ?

J.-B. H. – L’innovation dans les transports me passionne au plus haut point. Je crois beaucoup au progrès dans les mobilités, qui doit répondre à deux enjeux majeurs : l’égalité territoriale et la transition écologique. Notre slogan, à savoir « Saint-Quentin-en-Yvelines, terre d’innovations », se retrouve complètement dans le domaine des transports. Nous avons introduit, il y a quelques mois, une navette autonome électrique avec Keolis et Île-de-France Mobilités. Cette navette relie, sur 1,5 kilomètre, la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines à la zone d’activités du Pas du Lac. Il s’agit d’une expérimentation en circulation ouverte.

Nous avons également mis en place, avec la RATP, des boutons d’arrêt holographiques sur notre réseau de bus afin d’éviter, à l’heure de la Covid-19, d’avoir à toucher des supports physiques. Enfin, nous avons inauguré SQY Share, une initiative tout à fait révélatrice de notre état d’esprit. Ce service, accompagné par l’agglomération et le Club Climat Énergie de Saint-Quentin-en-Yvelines, consiste en une flotte de véhicules électriques et hybrides ouverte en autopartage à plusieurs entreprises du territoire.

En ce qui concerne les mobilités, le public a besoin du privé et réciproquement. Nous parviendrons à relever le défi de l’innovation, dans les transports, si nous nous situons dans une logique partenariale public-privé et non pas concurrentielle. SQY Share est un bon exemple de cette mentalité, de même que la Software République : du côté du technocentre de Renault à Guyancourt, de grandes entreprises comme Dassault Systèmes, Thales et Atos mettent en commun leurs moyens en R&D pour réfléchir à la mobilité du futur. Il est évident que nous, en tant que responsables politiques, accompagnerons cette dynamique.

En tout état de cause, nous ne disposons pas des ressources nécessaires à la conduite de programmes de recherche. Le progrès numérique ou technologique ne sera pas créé par les collectivités, mais par le privé. Notre rôle est d’être facilitateurs et accompagnateurs, en investissant quand il le faut pour déployer des mobilités d’avenir.

La RDT – La loi LOM a permis aux intercommunalités de monter en puissance sur la compétence mobilité. Est-ce important que vous, établissements publics intercommunaux, puissiez-vous saisir des politiques de transport ? En avez-vous les moyens d’un point de vue budgétaire ?

J.-B. H. – Il est important que les agglomérations disposent de ce moyen d’action parce qu’elles ont, par ailleurs, la compétence aménagement. Ces deux compétences vont de pair. Quand on réfléchit à l’aménagement d’un territoire ou à la création d’une nouvelle zone d’activités, il faut évidemment prévoir le réseau de transport en amont.

Nous avons la chance, dans notre région, d’avoir Île-de-France Mobilités. C’est avec cet opérateur que nous travaillons, celui-ci étant généralement porteur des budgets nécessaires. Le projet de navette autonome n’aurait jamais pu aboutir si nous avions été seuls. Et il est important de souligner qu’Île-de-France Mobilités nous fait confiance sur le volet innovation. Cela nous permet d’engager des expérimentations et de tester des mobilités qui fassent sens pour notre territoire. Cette une chance d’avoir un tel opérateur, particulièrement structurant, et il ne faut pas s’en priver.

Dernier élément, penser les mobilités revient aussi à faire des choix. Des discussions ont porté pendant plusieurs années sur le projet SupraSqy, un système de cabines en suspension développé par Supraways. Depuis, le contexte de crise est passé par là. L’impact financier pour l’agglomération sera conséquent et se fera sentir à partir de l’année prochaine, notamment en termes de recettes associées à la fiscalité professionnelle. Or, le projet SupraSqy représente un coût de quatorze millions d’euros en phase d’amorçage, sans répondre complètement au besoin de désenclaver les territoires et d’apporter une solution de mobilité souple pour l’ensemble des communes. Dans un souci de responsabilité budgétaire, nous avons décidé de ne pas y aller pour le moment.

Pour autant, l’agglomération continuera à innover et à expérimenter pour s’adapter aux besoins de déplacement des Saint-Quentinois. La mobilité est en constante évolution. Aux pouvoirs publics de prendre le train en marche !

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