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Transition énergétique : Venizy, du bois et des idées

Venizy est une star de la transition énergétique. Cette commune de moins de 1 000 habitants, située dans le département de l’Yonne, est citée en exemple par la Commission européenne pour avoir remplacé son chauffage au fioul et à l’électricité par un dispositif au bois. Son maire, Sylvain Quoirin, raconte le projet.

La Revue des territoires – Pourquoi avoir choisi de changer votre système de chauffage des bâtiments publics ?

Sylvain Quoirin – Notre premier souci a été budgétaire. En fonctionnement, sur la ligne « énergie », nous dépensions chaque année 23 000 euros de fioul pour chauffer la mairie, nos deux écoles, l’ancien presbytère qui sert de logement social et la maison de la culture. Il s’avère par ailleurs que nous disposons d’une forêt. Partant de ce constat, l’équation est simple : au lieu de faire venir du fioul de l’étranger, nous souhaitions travailler à partir de notre propre forêt.

Dans notre forêt, exploitée par l’Office national des forêts (ONF), nous avons des houppiers. Ce sont les têtes de chênes. Quand une forêt est exploitée, les grumes [NDLR : les troncs abattus et débarrassés des houppiers] sont vendues et constituent un revenu pour la commune. Les têtes de chênes, quant à elles, sont difficiles à couper en raison de leurs branches particulières. Il y a donc beaucoup de houppiers qui « traînent » en forêt et pourrissent inutilement. À la vue de cette biomasse qui dort, je me suis dit autant l’exploiter, c’est-à-dire la prendre, la broyer et la transformer en plaquettes de bois.

En conseil municipal, nous avons donc analysé la possibilité de réorienter la production de chauffage de la commune vers des ressources locales. Nous avons fait appel à l’Ademe et effectué une pré-étude validant la pertinence du projet. Nous avons ensuite retenu un bureau d’études et avons finalement opté pour une chaufferie séparée. Nous ne voulions pas retirer l’ancienne chaufferie au fioul, par précaution. L’idée a plutôt été de se greffer sur une installation existante. La nouvelle chaufferie au bois alimente, par réseau souterrain, la mairie, les écoles et l’ancien presbytère. Nous avons ajouté une chaufferie supplémentaire, au bois elle aussi, pour la maison de la culture qui est un peu plus éloignée.

Nous avons effectué des demandes de subvention. Nous avons ainsi été soutenus par l’Union européenne, dans le cadre du Feder, par l’État, au titre de la DETR, par la région et par le département. Ces soutiens représentent 75 % de l’investissement nécessaire au financement du projet. L’autofinancement restant a été couvert par un emprunt, à un taux intéressant. Quand on additionne le remboursement de l’emprunt, le broyage, le transport et le stockage du bois, la facture annuelle nous revient à 13 000 euros – contre 23 000 euros auparavant. Et nous disposons maintenant d’un matériel neuf et rénové.

Le bénéfice est donc majeur. Non seulement nous avons diminué nos coûts de fonctionnement de l’ordre de 10 000 euros par an, mais en plus nous avons recours à une énergie renouvelable qu’est le bois. Nous valorisons également notre patrimoine forestier et faisons travailler les entreprises locales, notamment pour le broyage.

La RDT – Quelle a été l’enveloppe totale du projet ?

S. Q. – Il faut compter un peu moins de 300 000 euros. S’agissant de la chaufferie pour la maison de la culture, nous sommes même allés un peu plus loin : nous avons amélioré le système de chauffage en installant une centrale de traitement d’air à haut rendement et à double flux, en changeant les baies vitrées avec du double vitrage, en renforçant l’isolation, en modifiant l’électricité avec des ampoules LED, etc. Tout cela est compris dans l’enveloppe globale.

La RDT – S’agit-il d’un projet isolé, ou s’intègre-t-il dans une vision plus large que vous auriez de la transition énergétique ?

S. Q. – Tout à fait, notre vision est plus large. Le but est en réalité multiple. Il est d’une part de faire des économies, très clairement. D’autre part, il s’agit de valoriser notre biomasse et le travail local. En même temps, nous rénovons tout le parc énergétique de la commune avec du matériel neuf. Cela nous permet de repartir sur un cycle de longue durée. Et nous ne sommes plus dépendants des marchands de fioul.

Ce projet a beaucoup fait parler autour de nous. De nombreuses communes sont venues nous rendre visite, pour savoir comment nous avons procédé. Cela a même un impact sur la topographie du village, puisque la construction de la chaufferie a permis de désenclaver l’église et de renforcer les murs du cimetière, alors en train de s’effondrer. De multiples aspects ont été liés à ce projet. Les effets collatéraux positifs sont conséquents, sans affecter le budget municipal.

Mais il faut de l’huile de coude pour monter les dossiers. La partition n’est pas évidente, quand de nombreux acteurs sont parties prenantes (Union européenne, État, région et département) avec leur propre lecture du projet. Pour autant, les techniciens qui nous ont accompagnés dans ce cadre sont très compétents et ont tout mis en œuvre pour nous aider à concrétiser le projet. Le projet a été co-construit et est le fruit d’une élaboration concertée. Il s’agit d’un vrai partenariat, ce qui permet d’amoindrir la difficulté des dossiers.

La RDT – Quels sont les retours de la part de vos habitants ? Le projet a-t-il été accueilli de façon très positive, ou fait-il office de « gadget » ?

S. Q. – Ni l’un ni l’autre. C’est un mystère pour les habitants, qui se demandent comment la commune a pu faire tout cela sans augmenter les impôts. En plus de la transition énergétique, nous avons travaillé sur l’assainissement et le réseau d’eau potable : depuis le mandat précédent, nous en sommes à plus de quatre millions d’euros d’investissements. Et nous n’avons pas augmenté les impôts d’un centime.

La clé de la réussite consiste à rechercher les bons financements et à bien négocier les intérêts d’emprunt. Des ressources financières, il y en a. Mais il faut aller les chercher. Les décideurs supra-communaux sont prêts à vous soutenir si vous êtes crédible. Pour cela, il faut s’entourer de bureaux d’études et respecter les procédures des marchés publics. C’est une culture à avoir et qui n’est pas encore complètement diffusée au sein des petites communes.

La RDT – Avez-vous le sentiment que le contexte est aujourd’hui favorable pour porter des projets liés à la transition énergétique ?

S. Q. – Oui, les choses bougent. Notre projet, bien sûr, n’est pas majoritaire. Mais les citoyens sont à la recherche d’énergies à basse consommation. Un mouvement s’installe. Il n’y a pas une semaine où nous ne sommes pas sollicités pour recevoir une autre commune et montrer ce que nous avons réalisé. Nous servons d’exemple.

Les vraies difficultés sont administratives. Monter les dossiers et obtenir les subventions est une étape essentielle. Mais le plus important reste encore d’assurer le suivi du projet : payer les fournisseurs puis demander les remboursements à partir des factures certifiées payées. Entre l’acquittement de la facture et le versement de la subvention, il peut s’écouler un certain temps. Financièrement, cela exige une grande surveillance et parfois de souscrire des emprunts relais. Cela décourage beaucoup de maires.

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