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La 5G, levier de développement pour les « villes intelligentes » ?

Publié par La Revue des territoires dans l’édition n° 2212 du Journal des communes.

Le phénomène de la smart city est peu à peu devenu incontournable dans les écosystèmes territoriaux. Les « villes intelligentes » sont en passe de réaliser de nouvelles utopies urbaines, à la croisée des enjeux numériques et citoyens. Le déploiement de la 5G, dont le top départ a été donné fin décembre, offre des perspectives inédites pour permettre l’essor de territoires mieux connectés et plus inclusifs.

La 5G occupe une place ambivalente dans le débat public, étant tout à la fois source d’espoirs technologiques et cible de critiques sanitaires ou environnementales. Dans le flot des passions que suscite la cinquième génération de réseau mobile, la Banque des Territoires souligne l’importance que recouvre ce sujet pour l’ensemble des acteurs territoriaux. Dans un guide consacré aux enjeux et perspectives territoriales de la 5G, elle met en avant trois grandes promesses : un débit jusqu’à dix fois supérieur à celui de la 4G, une faible latence et une densification substantielle des connexions.

En particulier, c’est l’ensemble du champ des objets connectés (IoT) qui devrait en sortir renforcé. Plusieurs technologies IoT sont déjà mobilisées par des collectivités, telles que les infrastructures LoRaWAN ou Sigfox, mais celles-ci demeurent limitées en termes de nombre d’objets pouvant être simultanément connectés. En outre, elles répondent à des besoins peu gourmands en débits élevés. La 5G pourrait venir lever ces obstacles et ainsi enrichir le spectre de services mis en œuvre par les territoires intelligents, s’agissant du contrôle des bâtiments, de la gestion des flux, de la mobilité, de la protection des populations, des services de santé ou bien encore du tourisme et de la culture immersive.

Pas de saut technologique à court terme

Pas question cependant de verser dans l’optimisme béat. Selon Céline Colucci, déléguée générale des Interconnectés, « il faudra probablement attendre deux ou trois ans pour que se déploie l’infrastructure complète de la 5G ». De sorte que la 5G actuellement en cours de déploiement « ne propose pas un saut technologique de nature à changer la donne en matière de ville intelligente à court terme ». Un point de vue corroboré par Florent Boithias, directeur de projets « Villes et territoires intelligents » pour le Cerema. Il estime que la 5G ne pourra pas répondre d’emblée à tous les types d’usages et sera déployée par phases successives, elles-mêmes réparties sur plusieurs années.

En effet, la bande aujourd’hui utilisée par la 5G (3,5 GHz) est relativement proche des fréquences 4G. Elle permet néanmoins « d’améliorer les réseaux existants et de désaturer les zones denses », d’après Céline Colucci. La bande des 26 GHz, celle des ondes dites millimétriques, « sera pour le coup porteuse d’usages vraiment nouveaux et encore à explorer » mais ne sera pas attribuée avant 2023.

S’il faudra encore faire preuve de patience avant d’assister à un « big bang IoT » au sein des collectivités, il est certain que la 5G s’accompagne d’applications prometteuses et qu’elles sont considérées avec attention par les décideurs locaux. La mobilité connectée, qui exige des temps de latence minimaux et un transfert de données quasi immédiat, devrait être l’un des premiers bénéficiaires des potentialités offertes par la 5G. Et les avantages pour le secteur des transports publics s’annoncent multiples : le guide de la Banque des Territoires évoque le pilotage en temps réel d’une grande quantité d’informations par le gestionnaire (trafic, travaux sur la voirie, conditions météorologiques, interventions d’urgence, etc.), la maintenance prédictive et, à terme, l’émergence des navettes autonomes.

Un levier prometteur, mais pas une fin en soi

La déléguée générale des Interconnectés est formelle : en ce qui concerne les « villes intelligentes », la technologie n’est qu’un levier et non une fin en soi. Loin de s’élancer dans une course aux applications numériques, il s’agit plutôt de « mettre en rapport les technologies déployées avec les objectifs à atteindre et de choisir en priorité les solutions les plus économes, accessibles, voire solidaires ». Céline Colucci mentionne notamment des démarches de consultation des habitants, menées par certaines villes, qui constituent non seulement un moyen d’ouvrir localement un débat de fond sur la 5G mais également un temps de réflexion sur la place conférée aux technologies au sein d’un projet collectif.

Dans cette perspective, un point d’attention majeur est porté sur la question des fractures numériques. Des inégalités territoriales étaient apparues à l’aune de la 4G et sont en cours de résorption grâce à l’accord du New Deal Mobile, conclu en 2018 entre les opérateurs et les pouvoirs publics. Il importe « que le déploiement de la 5G ne vienne pas percuter ou ralentir les engagements des opérateurs en matière de réseau fixe et mobile », relève Céline Colucci, avant de demander également le maintien des réseaux 4G « afin de de ne pas forcer les usagers à devoir acheter de nouveaux équipements coûteux pour leur budget et pour la planète ». Au risque, sinon, de renforcer l’impression d’une France à plusieurs vitesses.

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