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5G : « Mon rôle d’élu est de protéger » (Akim Oural)

Dans la nuit du 9 au 10 octobre dernier, le conseil municipal de Lille a voté pour un moratoire sur le déploiement de la 5G. Le principe de précaution est invoqué, en attendant les conclusions du rapport de l’Anses prévu pour 2021. Échanges avec Akim Oural, maire-adjoint de Lille et conseiller métropolitain en charge du numérique, sur l’acceptabilité d’une telle technologie par les habitants d’un territoire.

Le déploiement de la 5G charrie de nombreuses promesses et présente un potentiel technologique majeur. Données en temps réel, très haut débit mobile, gestion des objets connectés : les perspectives entrouvertes suscitent rapidement son lot d’enthousiasme, mais aussi d’interrogations. Le moratoire voté par le conseil municipal de Lille sur la 5G a relancé les débats. Une décision motivée par l’application du principe de précaution, dans l’attente du rapport diligenté par l’Anses sur la question des effets sur la santé des ondes du réseau mobile nouvelle génération.

« Il y a des questions qui se posent »

Une décision justifiée par l’incertitude qui entoure encore ce sujet archi-sensible, selon le maire-adjoint de Lille et conseiller métropolitain en charge du numérique Akim Oural. « Il y a des questions qui se posent », explique-t-il. Elles sont, aux yeux de l’édile, de trois ordres. Il y a d’abord l’enjeu sanitaire, car « en dehors d’être un geek, je suis un élu, et le principe de précaution fait partie du rôle de la puissance publique ». Le rapport de l’Anses est essentiel afin de rassurer l’ensemble des parties prenantes, mais sa publication est prévue en 2021, c’est-à-dire après le lancement du service. Dans la stricte lignée de ce principe de précaution, l’élu avait lancé dès 2019 la rédaction d’une thèse en lien avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour connaître les conséquences de la 5G sur la santé.

Ensuite, pour qu’une technologie soit acceptable, les citoyens doivent y trouver un intérêt et un gain réel dans leur vie quotidienne. À cette fin, la métropole européenne de Lille (MEL) avait initié un appel à projets « Défi 5G » pour que des start-up proposent des innovations, concrètes, rendues possibles par les fonctionnalités de la 5G.

Troisième et dernier élément essentiel pour Akim Oural, « je veux connaître le niveau d’exposition en temps réel et que celui-ci soit disponible en open data ». Sans confiance, pas d’acceptabilité possible. Et cette confiance repose sur deux piliers : l’utilité de la 5G ressentie dans la vie quotidienne, d’une part, et la transparence des informations disponibles à son égard, d’autre part.

« Pourquoi n’aurait-on pas le droit d’en débattre ? »

Quand la technologie NFC (Near Field Communication) est arrivée en France, des expérimentations et des appels à projets avaient été portés en amont pour expertiser la manière dont elle allait modifier notre environnement numérique, souligne le maire-adjoint de Lille. Avant d’ajouter : « je suis passionné par les évolutions technologiques, mais mon rôle d’élu est de protéger et de développer ».

La notion de protection, outre la santé, implique la question environnementale et les enjeux de cybersécurité. « On sait aujourd’hui qu’on peut sécuriser un objet isolé, tel qu’une caméra, mais plusieurs objets non liés à une politique de données identique peuvent être piégés », précise-t-il. Cette faille est d’autant plus inquiétante que les éléments sensibles de certaines administrations sont potentiellement concernés. « Pourquoi n’aurait-on pas le droit d’en débattre ? »

En miroir, les investissements financiers consentis atteignent des montants importants. Les enchères pour l’attribution des fréquences 5G, achevées au 1er octobre, ont hissé à près de trois milliards d’euros les sommes déboursées par les opérateurs français. L’Union européenne, également, presse pour que ses membres ne prennent pas de retard par rapport à la concurrence mondiale.

Mais Akim Oural est formel : « la technologie, ça me passionne, mais pas au détriment de la protection et du développement, tout doit être justifié ». L’élu fait notamment part de sa forte inquiétude quant aux ondes millimétriques de la bande 26 GHz. Des ondes plutôt destinées aux zones industrielles, ce qui n’exclut pas la question du personnel qui y travaille.

Vers un appel à projets autour de la télémédecine et de l’hospitalisation à domicile

La promesse ultime de la 5G est de développer la télémédecine, une pratique innovante rendue plus que jamais essentielle par le contexte de crise épidémique. L’échange de données en temps réel s’accompagnerait d’applications déterminantes en termes de maintien et d’hospitalisation à domicile, en particulier dans les déserts médicaux. Un appel à projets national sur ces thématiques pourrait être dévoilé prochainement. Ce serait un signal résolument positif et faciliterait, à terme, l’acceptabilité de la technologie par le grand public.

C’est dire que la 5G ne peut se réduire à un débat opposant technophiles et technophobes. « Martine Aubry l’a énoncé, nous ne sommes ni pour ni contre, nous vous posons des questions », résume Akim Oural. Les débats semblent aujourd’hui s’apaiser : à quelques semaines de l’ouverture du service, il est impératif que le dialogue l’emporte sur la polémique.

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